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Article ou vidéo à connotation philosophique

De l’anneau de Gygès, nous sommes les contemporains

Liu Bolin
Liu Bolin

Connaissez-vous le mythe de l’anneau de Gygès ? Cette fable racontée par Platon a inspiré le cultissime  « Seigneur des anneaux » de Tolkien. C’est également un précieux outil de diagnostic pour résumer notre époque.

Gygès ne risque rien alors…

Revenons au début de l’histoire. Gygès n’est qu’un berger. Un homme simple. En manipulant une bague trouvée par hasard, il se rend compte qu’il peut être invisible. Etre invisible, c’est pouvoir agir sans être vu. C’est ce que va faire Gygès. Il ira jusqu’à tuer, en mode « homme invisible » pour prendre le pouvoirEvidemment, on peut disserter longuement sur les questions philosophiques soulevées par ce scénario.  Ce qui compte à mes yeux, c’est cette idée forte, celle qui dit qu’un homme qui se pense hors de portée de la justice et du contre-pouvoir n’hésitera pas à commettre le pire.

Gygès a des disciples…

Ne trouvez-vous pas que dans notre belle société moderne, les disciples de Gygès pullulent ? D’abord parce qu’avec le numérique, on possède tous le sentiment d’être invisible, intouchable ! Ne dites pas non! Vous avez beau savoir que si vous ne prenez pas les dispositions nécessaires, votre adresse IP est tracée, vous pouvez céder à la tentation. Se dissimuler derrière une page de navigation privée et un outil pour  gambader anonymement et vous osez les sites licencieux. Vous osez encore décrocher un commentaire sous pseudo pour tailler un costume à une vidéo YouTube, vous glissez des cris de colères, des coups de gueule sur le terreau numérique. Vous avez votre cape d’invisibilité. Comment pourrait-on vous retrouver? Vous ne vous sentez peut-être pas concerné pourtant…Pourtant, vous n’avez pas en mémoire ce collègue. Moi j’en ai connu. Ce collègue qui depuis le bureau parade sur les sites X en se disant qu’il est Gygès. Grave erreur.

Tous Gygès ?

Que l’on se pense transparent dans ce magma du web, c’est humain, n’est-ce-pas ?
Ce qui est amusant, en revanche, c’est ce constater que ce syndrome du « pas visible, pas rattrapable » va plus loin. Quand le président d’un grand groupe de médias – nous n’en dirons pas plus pour éviter le procès faute de subsides- décide d’allouer certaines ressources pour des objectifs qui semblent éloignés de la difficile période économique que traverse l’entreprise, ne se croit-il pas doté de l’anneau de Gygès, même si il n’en est pas conscient ? Réalise-t-il qu’embaucher un conseiller sans faire d’appel d’offre ; ce n’est pas très éthique ? Faut-il absolument que certaines voix s’emparent de l’affaire pour que l’effet  » anneau de Gygès » cesse ? Le patron en vient d’ailleurs à s’excuser – enfin pas pour tout-.

Si si Gygès is alive !

Voilà sans doute l’un des syndromes d’une époque qui ne prend pas de recul sur elle-même. On se pare de l’anneau de Gygès même en haut de la pyramide. Là où l’exemplarité devrait être à son apogée. Ce n’est pas nouveau ? Oui, mais remarquez que dans une société où il suffit d’un tweet pour bouleverser le monde, cette naïveté est confondante. Confondante, pas toujours ?
Vous êtes un journaliste qui possède un bon carnet d’adresse. Un jour vous participez à l’interview d’un homme politique et cet homme politique vous ridiculise vous journaliste, en déplorant votre  » arrogance ». Vous ne supportez pas. La vidéo de l’interview se répand, de YouTube en DailyMotion. Vous ne supportez pas du tout.
Vous avez des relations. Vous réussissez à faire disparaître la vidéo. Vous avez alors votre petit anneau de Gygès. Histoire vraie ou pas ? Là encore, nous vous laissons le soin d’interpréter les conséquences juridiques de la réponse à la question.

Et même que l’anneau peut marcher quand…

Au travail, lorsqu’un chef est autocrate. Lorsqu’il harcèle un collaborateur en particulier et que les autres font semblant de rien. Ne cherchez pas, grâce au silence des uns – ou à leur lâcheté, la fable de Platon se trouve vérifiée. Tout le monde sait mais personne ne pipe mot. Voilà une attitude passive qui procure au bourreau  » petit chef »  un sentiment comparable à celui qu’il expérimenterait s’il avait le fameux anneau. Oui, il arrive parfois – voir souvent- que nous ayons une immense responsabilité dans l’octroie à « un puissant  » de son anneau de Gygès. Si on lui donne les moyens de poursuivre, on lui offre comme dirait le psychologue Skinner un renforcement de comportement. Un renforcement de l’absolutisme. L’inaction des uns favorise l’émergence de ce Duce. D’ailleurs, « On n’apprend pas à un porc à cesser de se gaver. Tant qu’on remet de l’or dans son écuelle d’acier ».
Attention, l’anneau de Gygès peut surgir de n’importe où, il est terriblement dangereux !

Imagine juste un instant
Par Yannis Youlountas et Cyril Gontier

Chanson de Yannis Youlountas et Cyril Gontier  extrait du documentaire « Ne vivons plus comme des esclaves« 

IMAGINE JUSTE UN INSTANT
(paroles Yannis Youlountas d’après John Lennon / musique Cyril Gontier)

Imagine juste un instant…
Cyril Gontier  - ChanteurPassant qui, dans ce monde, a perdu l’essentiel,
Cloué à ton destin par la superstition,
Imagine un instant ni paradis au ciel
Ni enfer sous nos pieds ni autre diversion.

Personne à remercier pour l’aube dans nos cils
Quand, chaque jour nouveau, rien n’est aussi luisant.
Essaie d’imaginer ce vœu simple et facile :
L’entière humanité vivant libre au présent.

Tu peux répondre en souriant
Que je ne suis qu’un doux rêveur,
Mais cet espoir est si brillant
Qu’il luit partout avec ferveur.

Imagine juste un instant…

Incrédule et conscient, écoutant ta raison,
Peux-tu dès lors admettre entre nos différences
Que soient dressés des murs comme autant de prisons,
Cloisonnant nos tribus selon nos apparences ?

Imagine un pays unique et sans drapeau,
Où seraient révolus les guerriers sacrifices,
Sans clan ni religion ni marque sur la peau,
Où pourraient vivre en paix nos filles et nos fils.

Ce désir de changer les choses
Pourrait bientôt gagner chacun,
Si tu nous rejoins, si tu oses,
Et le monde ne fera qu’un.

Merci les militaires ?

Mona Lisa bazooka de Banksy
Mona Lisa bazooka de Banksy

Au temps du « P3 », l’uniforme déformait…
De l’armée, nous conservions tous le même souvenir. Les fameux « trois jours » à l’époque, déjà lointaine, où le service militaire était obligatoire. C’était les années 90. Ce premier contact avec la grande muette n’avait rien de passionnant. La projection d’un film de Serge Meynard « l’œil au beur (re) noir » avec Smaïn et Pascal Légitimus le soir avant de se rendre au dortoir, entre une journée marquée par des tests psychotechniques et une autre consacrée à la rencontre avec un psychiatre militaire.
En cette période, l’objectif résidait dans l’obtention d’une mention « P3 ». Oui « P3 » devant le psy en uniforme et on échappait au passage sous les drapeaux. Se faire passer pour un « fou » pour ne pas connaître les affres de la discipline de chambrée.

Franchement qui aurait pu l’imaginer ?
Les années filent, malheureusement. Les enfants arrivent heureusement. Et puis soudainement, subitement, atrocement le terrorisme s’empare de l’actualité. Quelques #JesuisCharlie plus tard, on découvre que le lieu de culte – oui un lieu de culte- est protégé par huit militaires. On est rassuré. Qui aurait pu donc envisager qu’un jour, un réformé du service – comme moi- discute avec de jeunes soldats ? De jeunes soldats postés jour et nuit devant un Centre Culturel juif que je fréquente. Les gamins apprennent à vivre avec ces garçons dévoués qui ne dorment que six heures par nuit. Ils veillent. Ils sont aux aguets. On respire, on voit là la beauté de la France surtout quand un de ses engagés habitué des chars en temps normal explique : « On est là pour être utile, on préfère être ici ! »

Et la doxa alors ?
Penser au-delà de la doxa, c’est sans doute savoir faire taire ses clichés. Admettre que dans un monde incertain, il faut parfois mobiliser les troupes. Bien entendu, ce n’est pas normal que l’on en vienne à cette formule « forteresse » des édifices présumés sensibles. Ce n’est pas normal mais en 2015, il y a des valeurs fragiles. Un jour les soldats lèveront le banc, on espère simplement que la vie continuera normalement sans cette peur tenace, sans cette crainte de voir surgir un barbare armé au milieu des rires, des prières, des discussions. Une crainte exagérée ? Peut-être. Peut-être pas.
Que l’on aimerait crier « sous les pavés la plage », que l’on aimerait hurler « il est interdit d’interdire ». En attendant, certains comme moi restent sur le « qui vive ». Un « qui vive » qui sonne comme un rempart. Un rempart pour protéger cette « Douce France », cher pays des différences à condition que le sang des innocents ne sombre pas dans l’amnésie médiatique. Au pays de Voltaire, l’armée peut aussi apporter sa contribution à la démocratie. Réflexion d’un réactionnaire en devenir ? J’assume. Le réformé a envie de croire en l’armée citoyenne ! Question de survie !