Archives mensuelles : juin 2016

Les vraies indignations sont-elles aux abonnés absents ?

Baby Hulk

Petite ritournelle rassurante

L’autre jour, j’entends dans la rue, un adolescent expliquait à son copain « t’as vu Yan Barthes ; il quitte Canal plus et le Petit Journal, il en a tellement marre de Bolloré, le pauvre, il est obligé de partir ». Réfugié médiatique d’un autre temps ?

Non, mais franchement, c’est vrai, cela fait une belle histoire, un journaliste libre, indépendant, engagé qui renonce à ses privilèges de notoriété pour exercer librement sa vocation. Et ce grand militant de la libre expression, il quitte la maison Bolloré et il va chez qui ? Chez Bouygues ! Parce que vous croyez que chez le roi du béton qui détient une télé, on est protecteur de la liberté de la presse !

N’est-ce pas en vérité que l’indignation, l’insolence sont plus que jamais des valeurs marchandes et que les grands groupes n’ont plus peur d’embaucher des figures de proue de l’investigation pimentée ? N’est pas au fond juste une histoire d’argent, de carrière ? Quand on voit TF1, on ne peut pas présumer que c’est le paradis pour rebelles. Et puis, finalement l’esprit Canal ne fait plus vraiment peur. Alors, ce transfuge médiatique est une ode à la liberté ou le déroulement d’une carrière logique ? Une ascension au pays des audiences convoitées ?

On pourrait rajouter qu’Yves Calvi, le grand pédagogue du service public cède aussi aux charmes de TF1. Pourquoi ? Par amour de la liberté d’expression ou juste parce que couvrir la présidentielle, en étant dans deux grands médias d’importance (TF1 et RTL pour l’animateur de C dans l’air) donne des moyens séduisants ?

Les élucubrations sont rentables

Les rebelles, ils sont où ? Chez Mélenchon qui a trouvé un slogan de campagne « La France insoumise » ? Mais insoumise à quoi ? A qui ? A Daesh ? Au grand capital ? N’est-ce pas là encore une bonne intuition politique ? Transformer les cendres de la « Nuit debout » en message à vocation électorale ? Oui, avant, l’insoumission revendiquée était un bon sujet de plaisanterie. Souvenez-vous des Inconnus et de leur chanson « C’est ton destin ».  Les humoristes scandaient alors « On ne se soumettra pas à ta vos lois ». Et aujourd’hui, on se soumet aux suffrages des Français pour briguer l’insoumission organisée !

Vous en voulez encore de l’insoumission, de la bonne indignation ? Il y en a pléthore. Par exemple cette éditorialiste de BFM TV qui s’indigne de la cérémonie d’hommage à Verdun. Elle dénonce les jeunes qui courent le long des tombes de combattants. Remarquez moi aussi je trouve cette cérémonie indigne, là n’est pas la question d’ailleurs, la question c’est plutôt de savoir si BFM TV est vraiment un lieu de libre indignation. Parce que quand même quand on regarde cette chaîne, on peut s’indigner de voir un journalisme low-cost qui devient la norme !

Tournez méninges

Suffit qu’un footballeur ne soit pas sélectionné en équipe nationale pour que cela tourne à un débat sur le racisme. Et moi je n’ai pas été sélectionné pour intégrer l’équipe web d’un média sous prétexte que j’avais un « profil atypique » ! Je demande à ce que mon cas fasse l’objet d’une polémique nationale en une du Parisien !

Ah ! D’ailleurs à propos du Parisien, vous avez vu la meilleure. Le Parisien et les Echos appartiennent au même groupe LVMH. Belle stratégie pour parler aux classes populaires et aux classes dirigeantes ! Merci patron !

Et là-dessus, je me demande comment conclure ce chamboule-tout express ? En soulignant que les bobos sont devenus la norme. Ils ne sont plus les grands libertaires. Ils ne l’ont jamais été mais là ils ne le sont plus du tout. Ils peuvent s’extasier devant l’exotisme de leur femme de ménage venue de très très loin et en même temps se ruer chez Apple pour balancer des centaines de milliers d’euros. Avec une montre connectée, c’est vrai, on est tout de suite plus….
Plus quoi ? Plus consommateur ? Non, pas encore une critique du marketing ici c’est facile !

Le verdict tombe comme la pluie sur Nemours ! Pas de repères, pas de perspective de grands soirs, je suis donc officiellement condamné à vivre en marge de la société. Bien entendu, je jouerai le jeu en faisant semblant d’être dans le consensus pour gagner un peu d’argent, il faut bien travailler. Et pour le courage, je me contenterai d’adresser mes samizdats à qui sait les recevoir. Par des signes cachés, des messages à double-sens. Je suis comme Hulk, sauf que ma transformation en géant vert doit passer inaperçue !