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Un article issu des contributeurs d’Ucabanga

La Déclimatation est le nouveau diapason

Ne cherchez pas sur…Google !
La déclimatation n’est pas un concept plébiscité sur le net. C’est un concept que nous vous décrivons en avant-première. A force de labourer les champs de l’actualité, il fallait bien que 2018 soit marquée du sceau d’une nouvelle idée. Elle repose sur le fait que plus rien ne peut attendre. Nous sommes perpétuellement en conversation avec le monde. Nous pouvons, immuablement, être confronté à la pire des actualités, plus vite qu’auparavant évidemment, sans être préparé.

Il n’y a plus de saison

La notion de climat s’étiole, pas seulement à cause du réchauffement climatique. La notion de climat n’existe plus vraiment. Dans le métro, on voit des gens habillés en plein hiver avec des tenues qui pourraient être portées au printemps. Il n’y a plus de saison pour porter son tee-shirt préféré, plus de saison pour déménager ou emménager, pour prendre de bonnes résolutions, pour changer de vie, pour réformer. Macron confirme. Son mot phare c’est « transformation », mais aussi « en même temps ». « En même temps », autrement dit, tout se passe au même instant et n’importe quand. Tout doit être fait en continu. Il n’y a plus de climat particulier pour justifier telle ou telle décision. L’heure de la déclimatation a sonné !

Et où voulez-vous en venir avec votre théorie ?

Les publicitaires captent avec adresse l’inconscient collectif. Quand Mac Do scande « venez comme vous êtes », (non ce n’est pas un complot), c’est pour nous annoncer la couleur. Désormais, on n’a plus besoin de « s’acclimater » à telle ou telle étape de la vie, on peut y aller directement. Aller directement se procurer son burger, même déguisé en Pikachu. Nous sommes des êtres « déclimatés ».
Si « déclimatés » sur les réseaux sociaux, que nous pouvons en parfaite synchronicité, nous indigner d’un drame à l’autre bout du monde et discuter de Christophe Barbier qui tente de faire le poirier sur BFMTV !
Si « déclimatés », au quotidien ! Nous n’expérimentons plus l’agenda particulier des soldes. On vous trouvera toujours des occasions pour vous pousser à acquérir l’ultime Iphone. Désormais « black friday » et autres ventes privées s’enchaînent, avec une pointe de bons plans, pour vous mener au pays de l’achat présumé malin.
On peut également décider à l’improviste de faire un bébé, puisque désormais, on possède le privilège de « faire un bébé entre amis », sans avoir trouvé l’amour, juste pour mener un projet avec des bons camarades ! D’ailleurs, il n’y a plus de saison des amours puisque « l’utérus artificiel humain, c’est pour demain ».

De la déclimatation comme s’il en pleuvait

Avez-vous le film musical « La La Land ». Il y a une petite scène intéressante pour nous. On y voit le pianiste se faire virer d’un restaurant-club. Le pianiste n’a pas respecté l’interdiction de ne pas jouer de jazz. Pour sauver sa place, il argue « mais c’est Noël ! ». Et le manager des lieux lui répond : « je sais, j’ai vu les décorations ». Lui, le musicien pensait naïvement que la trêve des confiseurs c’était la trêve des mauvaises nouvelles. Erreur ! Nous sommes « déclimatés » et « virables » à n’importe quelle seconde. Il n’y a plus de consensus autour des temps de répit. D’ailleurs, l’essor du tourisme s’en régale. On part en voyage en permanence. On peut sur le plan professionnel « être off » – ne pas travailler- en plein milieu de semaine. Et ce n’est pas un hasard, si l’on affectionne l’expression « c’est open bar ». Oui, c’est « open bar », partout, toujours !

Les vœux déclimatés fin janvier

Nous allons donc, avant de vous libérer, vous souhaiter, il était temps, une année de liberté et de santé. Liberté et santé, cela pourrait sonner comme le slogan d’une dictature ? Non, bien entendu, tel n’est pas notre dessein ! Disons alors une année comme vous le désirez.
Ménagez-vous des saisons et réapprenez à apprécier des temps variés, à vous créer des moments dont vous seuls décidez du sens. Ce n’est pas du développement personnel, c’est une façon de préserver son sens critique.
Réfléchissons encore un peu. Les événements n’ont rien d’étonnant, il y aura des catastrophes et des liesses collectives. Ce qui apparaît le plus surprenant n’est-ce pas la façon dont les gens réagissent face à un événement ? Ils peuvent être solidaires ou indifférents, lâches ou héroïques,  bref imprévisibles !
Alors, vous avez pour mission, si vous l’acceptez, de préserver votre faculté de discernement, votre capacité à réagir et à  garder un climat que vous jugerez propice pour vous évader ou vous impliquer. Comme l’on construit son petit havre de paix, on doit désormais imaginer son propre calendrier. Ne soyez pas victime de la déclimatation, passez à la déclimat’action ! Acclimatez-vous à ce chaos en restant debout !

PS : on aurait pu faire plus court mais on adore vous parler. Merci !

Ainsi s’exprimait Aldous Huxley en 1958

« La dictature parfaite serait une dictature qui aurait les apparences de la démocratie, une prison sans murs dont les prisonniers ne songeraient pas à s’évader, un système d’esclavage où, grâce à la consommation et au divertissement, les esclaves auraient l’amour de leur servitude.
Sous la poussée d’une surpopulation qui s’accélère, d’une sur-organisation croissante et par le moyen de méthodes toujours plus efficaces de manipulation des esprits, les démocraties changeront de nature. Les vieilles formes pittoresques – élections, parlements, Cours suprêmes, et tout le reste – demeureront, mais la substance sous-jacente sera une nouvelle espèce de totalitarisme non violent.
Toutes les appellations traditionnelles, tous les slogans consacrés resteront exactement ce qu’ils étaient au bon vieux temps. La démocratie et la liberté seront les thèmes de toutes les émissions de radio et de tous les éditoriaux. Entre temps, l’oligarchie au pouvoir et son élite hautement qualifiée de soldats, de policiers, de fabricants de pensée, de manipulateurs des esprits, mènera tout et tout le monde comme bon lui semblera. »

Aldous HuxleyRetour au meilleur des mondes – 1958

Macron fait son Pitch à Ucabanga…

0% Interest in peopleSalut,

C’est Emmanuel.
A la télé, on m’a vu regretter de ne pouvoir avoir de « cordon bleu » car c’était dans le menu enfant.
Et puis, j’ai été au Louvre. Avec l’Hymne Européen.
J’ai même laissé les caméras me suivre durant 200 jours avant même de savoir si un jour je serais le meilleur candidat.
Aujourd’hui, on peut même trouver une photo de ma carte d’étudiant quand j’étais à Science Pô. Je suis président. Je veux réunir les énergies.
J’aurais pu être le nouveau patron de Facebook ou Uber mais je suis président de la république.
J’ai compris que sur le marché politique, il fallait être disruptif.
Une offre simple, épurée comme un IPad d’Apple. Un slogan positif « En Marche ».
Et puis être « lisible ». Jeune, dynamique, motivé. Bref, se comporter comme un cadre qui cherche à décrocher un poste de CEO.
Maintenant je l’ai le poste. Je suis le super manager. Je dois recruter. Recruter les meilleurs.
Comme je ne ressemble pas aux autres, les médias ont été des alliés.
Et puis j’avais quand même des paires célèbres dont François, François Hollande., François, François Bayrou, Jacques, Jacques Attali, Dominique, Dominique de Villepin, Jean-Louis, Jean-Louis Broloo…
Je ne veux me fâcher avec personne. Je suis pour le consensus et la concorde !
C’est vrai que je pense global. Avec Angela, Angela Merkel, on va faire bouger
l’Europe.
Pourquoi ? Parce que, je crois que le co-working c’est aussi entre les pays.
On peut s’organiser, diversifier nos missions en fonction des ressources de
chacun.
Et puis il y a Barack, Barack Obama. Ça c’est l’exemple américain. Celui qui
grâce à un « Yes we can » vous donne le sentiment que les Etats-Unis c’est le
rêve américain en version tout est possible à condition d’y croire.
Oui avec moi les Français vont penser printemps. Suis-je de droite ou de gauche ?
Ni l’un, ni l’autre. On va faire booster la France.
L’assurance chômage pour tous ça veut dire que chacun va pouvoir profiter de
la mobilité. Passer d’un job à l’autre avec un peu de chômage au milieu.
Oui, on va être dans un pays complètement « startupé ».
Il y aura de l’innovation, des objets connectés et même de la techno ambiant.
Les difficultés des Français, je ne les méconnais pas. Mais j’ai plutôt envie d’aller de l’avant.
Je suis un peu dans l’optique « troisième voie ». De gauche mais pas trop, de droite mais juste ce qu’il faut et pro-business forever !
Oui, c’est ça l’audace, arriver sur un marché qui paraît bloqué et réussir à
prendre une place de leadership.
Bref, si j’étais un téléphone je serais un IPhone et un taxi ? Peut-être quelque
chose qui commence par U ou alors tout simplement un vélo solaire.

Signature EM

Point n’est besoin
de bonheur
Par Chantal

Créations street art colorées de l'artiste espagnol Okuda
Créations street art colorées de l’artiste espagnol Okuda

J’ai perdu connaissance de tout ce qui est humain.
J’ai perdu mon innocence.
J’ai perdu mon essence.
Il y a trop de haine et je suis contaminée.
Il y a aussi le pragmatisme de la société actuelle.
Je l’illustre par ce témoignage  :
Longtemps restées à l’étable, les vaches sortent au printemps.
Ravies de revoir les prés, l’herbe et les fleurs des champs, elles se mettent à danser une danse appelée la danse des vaches, cela est très émouvant. Quel bonheur de les regarder !
Mais voilà, des scientifiques ont effectué un tas d’analyses dont le but était de comparer ces vaches et celles de la ferme des mille vaches. Ces analyses sont parfaites pour les deux groupes.
Conclusion, point n’est besoin pour les vaches, de sortir au printemps :
Le profit, la compétition etc …

Cela me touche beaucoup pour les vaches, mais ce qui m’inquiète aussi, c’est que les expériences commencent toujours sur les animaux.

On m’a rapporté que des enfants résidant dans un centre spécialisé dans le Gers, avaient pour habitude, lorsque les cuisines devaient être fournies en viandes, légumes, produits laitiers et autres, de se rendre avec leurs éducateurs chez un agriculteur voisin.
Cette sortie était comme une fête, ils approchaient les animaux, regardaient ce qui poussait, couraient etc.
Mais un jour les services d’hygiène ont décidé que ces produits n’étaient pas hygiéniques et qu’il serait plus sain pour ce centre de se fournir en surgelés.
Résultat : cette sortie a été supprimée…
Point n’est besoin de bonheur.

Les vraies indignations sont-elles aux abonnés absents ?

Baby Hulk

Petite ritournelle rassurante

L’autre jour, j’entends dans la rue, un adolescent expliquait à son copain « t’as vu Yan Barthes ; il quitte Canal plus et le Petit Journal, il en a tellement marre de Bolloré, le pauvre, il est obligé de partir ». Réfugié médiatique d’un autre temps ?

Non, mais franchement, c’est vrai, cela fait une belle histoire, un journaliste libre, indépendant, engagé qui renonce à ses privilèges de notoriété pour exercer librement sa vocation. Et ce grand militant de la libre expression, il quitte la maison Bolloré et il va chez qui ? Chez Bouygues ! Parce que vous croyez que chez le roi du béton qui détient une télé, on est protecteur de la liberté de la presse !

N’est-ce pas en vérité que l’indignation, l’insolence sont plus que jamais des valeurs marchandes et que les grands groupes n’ont plus peur d’embaucher des figures de proue de l’investigation pimentée ? N’est pas au fond juste une histoire d’argent, de carrière ? Quand on voit TF1, on ne peut pas présumer que c’est le paradis pour rebelles. Et puis, finalement l’esprit Canal ne fait plus vraiment peur. Alors, ce transfuge médiatique est une ode à la liberté ou le déroulement d’une carrière logique ? Une ascension au pays des audiences convoitées ?

On pourrait rajouter qu’Yves Calvi, le grand pédagogue du service public cède aussi aux charmes de TF1. Pourquoi ? Par amour de la liberté d’expression ou juste parce que couvrir la présidentielle, en étant dans deux grands médias d’importance (TF1 et RTL pour l’animateur de C dans l’air) donne des moyens séduisants ?

Les élucubrations sont rentables

Les rebelles, ils sont où ? Chez Mélenchon qui a trouvé un slogan de campagne « La France insoumise » ? Mais insoumise à quoi ? A qui ? A Daesh ? Au grand capital ? N’est-ce pas là encore une bonne intuition politique ? Transformer les cendres de la « Nuit debout » en message à vocation électorale ? Oui, avant, l’insoumission revendiquée était un bon sujet de plaisanterie. Souvenez-vous des Inconnus et de leur chanson « C’est ton destin ».  Les humoristes scandaient alors « On ne se soumettra pas à ta vos lois ». Et aujourd’hui, on se soumet aux suffrages des Français pour briguer l’insoumission organisée !

Vous en voulez encore de l’insoumission, de la bonne indignation ? Il y en a pléthore. Par exemple cette éditorialiste de BFM TV qui s’indigne de la cérémonie d’hommage à Verdun. Elle dénonce les jeunes qui courent le long des tombes de combattants. Remarquez moi aussi je trouve cette cérémonie indigne, là n’est pas la question d’ailleurs, la question c’est plutôt de savoir si BFM TV est vraiment un lieu de libre indignation. Parce que quand même quand on regarde cette chaîne, on peut s’indigner de voir un journalisme low-cost qui devient la norme !

Tournez méninges

Suffit qu’un footballeur ne soit pas sélectionné en équipe nationale pour que cela tourne à un débat sur le racisme. Et moi je n’ai pas été sélectionné pour intégrer l’équipe web d’un média sous prétexte que j’avais un « profil atypique » ! Je demande à ce que mon cas fasse l’objet d’une polémique nationale en une du Parisien !

Ah ! D’ailleurs à propos du Parisien, vous avez vu la meilleure. Le Parisien et les Echos appartiennent au même groupe LVMH. Belle stratégie pour parler aux classes populaires et aux classes dirigeantes ! Merci patron !

Et là-dessus, je me demande comment conclure ce chamboule-tout express ? En soulignant que les bobos sont devenus la norme. Ils ne sont plus les grands libertaires. Ils ne l’ont jamais été mais là ils ne le sont plus du tout. Ils peuvent s’extasier devant l’exotisme de leur femme de ménage venue de très très loin et en même temps se ruer chez Apple pour balancer des centaines de milliers d’euros. Avec une montre connectée, c’est vrai, on est tout de suite plus….
Plus quoi ? Plus consommateur ? Non, pas encore une critique du marketing ici c’est facile !

Le verdict tombe comme la pluie sur Nemours ! Pas de repères, pas de perspective de grands soirs, je suis donc officiellement condamné à vivre en marge de la société. Bien entendu, je jouerai le jeu en faisant semblant d’être dans le consensus pour gagner un peu d’argent, il faut bien travailler. Et pour le courage, je me contenterai d’adresser mes samizdats à qui sait les recevoir. Par des signes cachés, des messages à double-sens. Je suis comme Hulk, sauf que ma transformation en géant vert doit passer inaperçue !

LA PUB NE SIFFLERA PAS TROIS FOIS !

lapubsifflerapas3foisPetite histoire d’une pub retoquée grâce aux réseaux sociaux.
L’humour possède des limites que la récente actualité terroriste réhabilite.
Voici donc un conte défait !

Oh! Joie…
La chaîne de magasin Monoprix a depuis quatre ans choisi de miser sur la joie et l’humour. Des emballages colorés. Des jeux de mots parfois bien sentis.
Le tube de mayonnaise est orné d’un  » Tous en mayo » (tous en maillot) .
Côté fromage, sur le packaging, on peut lire :  » Emmental Français râpé, il est sympa mais il est gratiné… ». On se marre entre deux emplettes.
Il est vrai que faire des jeux de mots avec l’esprit «  Carambar » peut entraîner des effusions de sourire. Qui s’en plaindra ?

Oh! Là là…
La joie peut faciliter la décision d’achat. Oublier la contrainte des courses, on est entouré de musique joyeuse et de calembours frais. Parce que pour l’ambiance sonore,  Monoprix veille aussi à privilégier Henri Salvador et des ritournelles douces où l’on reprend quelques airs connus en mode tranquille. Mais jusqu’où? Jusqu’où ne pas aller trop loin ?

Au secours
Paris face au terrorisme, 130 morts. Pendant ce temps, chez Monoprix, il faut bien aller dans le sens de la vie et tant mieux mais…Les fêtes arrivent. Dans la bande promo qui est diffusée en magasin, il est question du service traiteur. En parler au client mais de façon décalée et amusante, tel est l’objectif du spot qui passe en boucle. Comment capter l’attention du consommateur si sollicité ? Avec une petite phrase. Cette phrase dit  sur un ton de science-fiction : » Mangeons jusqu’à en exploser » !

Kamikaze de la bouffe ?
Aussi incroyable que cela puisse paraître, une enseigne laisse filtrer un slogan comme » Mangeons jusqu’à en exploser » alors même que des kamikazes se sont fait exploser dans les rues de Paris et près du Stade de France !
Certains clients s’en émeuvent. Ils sont agacés d’entendre cette injonction en faveur de l’explosion individuelle par surplus d’alimentation. L’un d’eux interpelle Monoprix sur Twitter. Monoprix réagit ! Après avoir localisé les magasins où de telles phrases explosives sont distillées par  «  la radio monop »  la marque réplique :  » Bonjour, nous vous remercions pour ces précisions. Les communications vont être arrêtées. A bientôt »

Une morale à cette fable de la pub moderne
Ce que la publicitaire imagine, la réalité peut le dévier.
Après une catastrophe aérienne, les radios ont coutume de s’interdire certaines chansons  parmi lesquelles « comme un avion sans ailes » ; les titres du groupe Les Avions et « Tombé du ciel »
Après un attentat, les marques doivent se surveiller de près. Éviter les formules magiques qui rappellent trop l’actualité. Par exemple vendre la salade de roquette en écrivant « vous avez envie de faire sauter la roquette ? ».
État d’urgence oblige, Gilette ne pourrait pas se permettre « si vous ne voulez pas avoir l’air d’un barbu, rasez-vous ! ».
Heureusement, la loi du marché doit encore marcher avec la loi de l’éthique !
Économiquement correct ? Non, humainement nécessaire !

PRAY FOR …

Souvenir authentique: « Flashback »

Au soir du 11 septembre 2001,  je travaillais poprayforur une radio d’infos en continu qui n’était pas France Info (encore une fois, nous ne mentionnons pas le nom de la radio car guerre ou pas guerre, le risque de procès nous piquerait du fric que nous n’avons pas).
Ce 11 septembre dans cette radio, donc, la directrice de la rédaction a sabré le champagne. Oui, elle a sabré le champagne parce que « l’on avait eu une bonne actualité et que la rédaction avait bien travaillé ». Je m’honore d’avoir refusé le champagne, mais d’autres ont consommé les bulles.  Aujourd’hui ils pleurent à longueur d’antenne.
A l’époque cette bande de pigistes assermentés se disait «  c’est l’Amérique, ce n’est pas possible en France »

 Chronologie authentique

Entre le 7 janvier 2015 et le 13 novembre 2015 ; une policière est tuée à Montrouge, 4 personnes sont assassinées dans un supermarché, 3 militaires sont agressés au couteau, une jeune femme est tuée dans sa voiture par un homme qui voulait faire « sauter » des églises, un homme est décapité, un officier militaire a échappé à une décapitation, un attentat contre le Thalys est déjoué, un projet d’attentat est avorté à Toulon…Et pourtant !

Pourtant les médias comme les politiques semblent perdus. Lors de la soirée du vendredi 13 novembre alors que le bilan s’alourdissait, les journalistes hésitaient :
Raconter ce qui se déroulait ou être déjà dans l’analyse. Le temps médiatique est dépassé par les réseaux sociaux et surtout, aucun des intervenants médiatiques professionnels n’est préparé. Préparé à être dans une France en guerre. Lundi 16 novembre, le décor avait changé. Les frappes françaises en Syrie se retrouvent à la une. Les perquisitions se multiplient. De la propagande et de la « com gouvernementale » ? Peut-être, mais c’est bien cela l’état d’urgence et la guerre. La propagande reprend son sens initial. Celui de « propagare » : « propager, répandre comme un liquide ». Propager ce qui peut être utile et qui ne menace pas les opérations de riposte.

Les politiques eux hésitent. Être dans l’hommage et le recueillement aux victimes ne suffit pas. Cela n’est pas efficace en matière de « bruits médiatiques ». Alors, quelques opinions sont exprimées. L’histoire se chargera de les démentir ou en tous cas de les relativiser.

On n’y croit pas

Le pays est dans un tel état d’incompréhension, de sidération que le service public de l’audiovisuel – qui est quand même un support de communication étatique- va confier à l’amuseur en chef Laurent Ruquier le soin d’organiser la grande soirée de rassemblement télévisuel. Est-ce qu’il suffit de changer le « On n’est pas couché » par le « On est solidaire » pour conforter le civisme collectif ? Est-ce que l’émotion sincère des vedettes de ce show a un sens ? Est-ce qu’il ne fallait pas avoir l’humilité du silence ? Est-ce qu’un « Requiem » de Mozart ou d’autres n’aurait pas été plus adapté ? Pour l’audience, ce n’est pas efficace mais le maître de jeu des « Grosses têtes » de RTL est-il légitime pour sonner l’heure du rassemblement ?

D’ailleurs ce rassemblement n’a pas vraiment lieu. On s’interroge sur ce drapeau bleu blanc rouge qui est remis au goût du jour par Facebook. Des cons «s’amusent » à semer la panique place de la République en lançant des pétards. Une vidéo qui affirme que ces attentats de Paris sont en fait un complot des Illuminati totalise plus de 208 likes sur Facebook. Et, sur Twitter, arrive en deuxième position le hashtag #PrayForSyria qui vise à prier pour «  les innocentes victimes des bombardements français ».

Vivre pour des idées d’accord mais pas de mort rapide

En avril 2015 quand les islamistes de Al-Shabbaab tuent 148 personnes sur un campus universitaire du Kenya, on pouvait avoir l’impression que « c’était loin, c’était l’Afrique »…Plus de 130 morts à Paris, 7 mois plus tard !

C’est tellement difficile à imaginer, ce que cela signifie plus de 130 morts (familles endeuillées, flot de paperasseries administratives, absences irremplaçables) que l’on cherche des explications.

C’est un complot ? Oui, quelques théories bien ficelées circulent. Mais, en fait, il n’y a pas de complot «  secret ». Malheureusement, les infos sont accessibles. D’abord, on trouve facilement sur Google le magazine en français de Daech. Ensuite, la mondialisation a gagné son pari, être capable de tout transformer en « World Company ». Il y a Starbucks, il y a Mac Do, il y a des chagrins collectifs et des marques de terrorismes. Daech est la nouvelle « World Compagny » du terrorisme.

La marque « Al-Quaïda » est en perte de vitesse face au public potentiel de terroristes. Parce que son terrain d’action est plus flou, que la Syrie et l’Irak deviennent des laboratoires fantasmés du « merveilleux Califat islamique ». Comme dans le marketing, Daech peut proposer une « expérience clients » à ses affidés.

Le capitalisme a donc réussi à exporter aussi bien des smartphones que des modes opératoires de propagation des idéologies terroristes.

Le capitalisme a échoué. Il ne soude aucunement le genre humain. Il cherche à détruire la notion de classes sociales. Il récolte en retour la libéralisation des idéologies facilement consommables : je tue les méchants, je lave ma frustration et je gagne le salut éternel. C’est réducteur ? C’est trop simpliste ? Pas plus que de dire aux homo économicus que nous sommes, que sans le nouvel IPhone 6, le bonheur nous échappe.

Aux victimes de toutes les barbaries,  toutes nos pensées:
« Pray for … »

De l’anneau de Gygès, nous sommes les contemporains

Liu Bolin
Liu Bolin

Connaissez-vous le mythe de l’anneau de Gygès ? Cette fable racontée par Platon a inspiré le cultissime  « Seigneur des anneaux » de Tolkien. C’est également un précieux outil de diagnostic pour résumer notre époque.

Gygès ne risque rien alors…

Revenons au début de l’histoire. Gygès n’est qu’un berger. Un homme simple. En manipulant une bague trouvée par hasard, il se rend compte qu’il peut être invisible. Etre invisible, c’est pouvoir agir sans être vu. C’est ce que va faire Gygès. Il ira jusqu’à tuer, en mode « homme invisible » pour prendre le pouvoirEvidemment, on peut disserter longuement sur les questions philosophiques soulevées par ce scénario.  Ce qui compte à mes yeux, c’est cette idée forte, celle qui dit qu’un homme qui se pense hors de portée de la justice et du contre-pouvoir n’hésitera pas à commettre le pire.

Gygès a des disciples…

Ne trouvez-vous pas que dans notre belle société moderne, les disciples de Gygès pullulent ? D’abord parce qu’avec le numérique, on possède tous le sentiment d’être invisible, intouchable ! Ne dites pas non! Vous avez beau savoir que si vous ne prenez pas les dispositions nécessaires, votre adresse IP est tracée, vous pouvez céder à la tentation. Se dissimuler derrière une page de navigation privée et un outil pour  gambader anonymement et vous osez les sites licencieux. Vous osez encore décrocher un commentaire sous pseudo pour tailler un costume à une vidéo YouTube, vous glissez des cris de colères, des coups de gueule sur le terreau numérique. Vous avez votre cape d’invisibilité. Comment pourrait-on vous retrouver? Vous ne vous sentez peut-être pas concerné pourtant…Pourtant, vous n’avez pas en mémoire ce collègue. Moi j’en ai connu. Ce collègue qui depuis le bureau parade sur les sites X en se disant qu’il est Gygès. Grave erreur.

Tous Gygès ?

Que l’on se pense transparent dans ce magma du web, c’est humain, n’est-ce-pas ?
Ce qui est amusant, en revanche, c’est ce constater que ce syndrome du « pas visible, pas rattrapable » va plus loin. Quand le président d’un grand groupe de médias – nous n’en dirons pas plus pour éviter le procès faute de subsides- décide d’allouer certaines ressources pour des objectifs qui semblent éloignés de la difficile période économique que traverse l’entreprise, ne se croit-il pas doté de l’anneau de Gygès, même si il n’en est pas conscient ? Réalise-t-il qu’embaucher un conseiller sans faire d’appel d’offre ; ce n’est pas très éthique ? Faut-il absolument que certaines voix s’emparent de l’affaire pour que l’effet  » anneau de Gygès » cesse ? Le patron en vient d’ailleurs à s’excuser – enfin pas pour tout-.

Si si Gygès is alive !

Voilà sans doute l’un des syndromes d’une époque qui ne prend pas de recul sur elle-même. On se pare de l’anneau de Gygès même en haut de la pyramide. Là où l’exemplarité devrait être à son apogée. Ce n’est pas nouveau ? Oui, mais remarquez que dans une société où il suffit d’un tweet pour bouleverser le monde, cette naïveté est confondante. Confondante, pas toujours ?
Vous êtes un journaliste qui possède un bon carnet d’adresse. Un jour vous participez à l’interview d’un homme politique et cet homme politique vous ridiculise vous journaliste, en déplorant votre  » arrogance ». Vous ne supportez pas. La vidéo de l’interview se répand, de YouTube en DailyMotion. Vous ne supportez pas du tout.
Vous avez des relations. Vous réussissez à faire disparaître la vidéo. Vous avez alors votre petit anneau de Gygès. Histoire vraie ou pas ? Là encore, nous vous laissons le soin d’interpréter les conséquences juridiques de la réponse à la question.

Et même que l’anneau peut marcher quand…

Au travail, lorsqu’un chef est autocrate. Lorsqu’il harcèle un collaborateur en particulier et que les autres font semblant de rien. Ne cherchez pas, grâce au silence des uns – ou à leur lâcheté, la fable de Platon se trouve vérifiée. Tout le monde sait mais personne ne pipe mot. Voilà une attitude passive qui procure au bourreau  » petit chef »  un sentiment comparable à celui qu’il expérimenterait s’il avait le fameux anneau. Oui, il arrive parfois – voir souvent- que nous ayons une immense responsabilité dans l’octroie à « un puissant  » de son anneau de Gygès. Si on lui donne les moyens de poursuivre, on lui offre comme dirait le psychologue Skinner un renforcement de comportement. Un renforcement de l’absolutisme. L’inaction des uns favorise l’émergence de ce Duce. D’ailleurs, « On n’apprend pas à un porc à cesser de se gaver. Tant qu’on remet de l’or dans son écuelle d’acier ».
Attention, l’anneau de Gygès peut surgir de n’importe où, il est terriblement dangereux !

Les temps sont durs …

Le banquier (1835) Honoré Victorin Daumier
Le banquier (1835) Honoré Victorin Daumier

Les temps sont durs, le pays est très endetté, tout le monde vit à crédit.
Arrive un riche touriste allemand. Il arrête sa belle grosse voiture devant l’hôtel de la ville et entre.
Il pose un billet de 200 euros sur le comptoir et demande à voir les chambres disponibles afin d’en choisir une pour la nuit.
Pour 200 euros, le propriétaire de l’établissement lui donne toutes les clés et lui dit de choisir celle qui lui plaira.
Dès que le touriste a disparu dans l’escalier, l’hôtelier prend le billet de 200 euros, file chez le boucher voisin et règle la dette qu’il a envers celui-ci.
Le boucher se rend immédiatement chez l’éleveur de porcs à qui il doit 200 Euros et rembourse sa dette.
L’éleveur, à son tour, s’empresse de régler sa facture à la coopérative agricole où il se ravitaille en aliments pour le bétail.
Le directeur de la coopérative se précipite au café régler son ardoise.
Le barman glisse le billet à la prostituée qui lui fournit ses services à crédit déjà depuis un moment.
La fille, qui occupe à crédit les chambres de l’hôtel avec ses clients, court acquitter sa facture chez notre hôtelier qui pose le billet sur le comptoir, là où le touriste l’avait posé auparavant.
Le touriste Allemand redescend l’escalier, annonce qu’il ne trouve pas les chambres à son goût, ramasse son billet et s’en va.
Personne n’a rien produit ! personne n’a rien gagné ! mais plus personne n’a de dette !!!

Voilà pourquoi, en ce moment, les banques n’ont aucun intérêt à vous prêter de l’argent.
Les banques s’enrichissent tant que vous êtes endettés…

L’ultime rempart du vivre ensemble ?

Phone Lovers Par Banksy
Phone Lovers Par Banksy

Le vivre ensemble est devenu un vaste chantier où se croisent des déçus, des constructeurs, des destructeurs, des orateurs plus ou moins courageux et une majorité de gens perdus.
On a pourtant besoin de se relier aux autres. Mais alors, qui est le nouveau maillon du « vivre ensemble » ?

Une intuition et des hommes
C’est également cela la grande intuition du gourou Steve Jobs. Avoir compris que pour qu’Apple devienne la marque la plus rentable du monde, il fallait aussi vendre des valeurs. Posséder un iMac c’est adhérer à certaines grandes idées : aimer la sémantique épurée, avoir le sentiment d’être un militant du design, défendre un modèle d’entreprise mythique qui serait l’incarnation de l’innovation et même…
Et même l’incarnation de la rébellion.
Le « Think different » lancé en 1997 laisse entrevoir la possibilité de se distinguer en achetant, pourtant, le même IPhone que son voisin !
Les marques deviennent donc des communautés d’initiés. Le client s’engage.
Il peut s’identifier à d’autres amis consommateurs qui comme lui estiment que choisir un produit devient un acte pensé. Une façon de dire: « J’achète un produit qui ressemble à ma vision du monde » !

La garanti du minimum socialisant
Dans une société en crise, il faut éviter les sujets qui menacent. Pourquoi risquer au bureau de discuter d’un sujet politique? Imaginez que votre chef ne pense pas du tout comme vous, vous risquez d’être estampillé « infréquentable ».
Alors, en dehors des blagues, des résultats du foot, des scores des candidats de « The Voice », de quoi peut-on parler sans brader l’ambiance cordiale d’une entreprise ? Des marques ? Oui, bien entendu. Deviser sur les bonnes affaires de « vente-privee.com », s’extasier sur le « Samsung Galaxy S6 » ; c’est plus sécurisant. Mais, comment alimenter la conversation?
Les publicitaires crient « Eurêka! ». Ils ont la solution. Ils vous concoctent de magnifiques
« brand content ».
Premier objectif :
Déjouer la réticence à la publicité.
Deuxième objectif :
Vous raconter une histoire et donc contourner votre « publiphobie » en vous offrant « une publicité qui tait son nom ».
Le « brand content » se dévoile :
« Il ne s’agit plus de surprendre son public dans son quotidien (Seth Godin parle alors d’interruption marketing) afin qu’il écoute ce que vous avez à dire (on vous conseil d’hurler très fort à grand coup d’achat média) mais plutôt de chuchoter un contenu éditorial captivant en espérant que ce murmure s’amplifie au fil du buzz. Certains iront même jusqu’à sacrifier totalement l’achat d’espace (l’ATTENTION) au profit de la qualité du contenu (l’INTERET) ».
Bref, au lieu de dire  » Achetez mon parfum », vous réalisez un bon petit film capable de se déployer loin, même très loin, grâce à YouTube. Dans le film, le parfum deviendra un des éléments qui va permettre aux héros de briller. Et en plus, le spectateur utilise son temps à discuter de ces fragrances magiques, sur les réseaux sociaux.

Le lyrisme réunificateur
Parce qu’elles sont en mesure de dépeindre la vision d’un monde qui va en s’améliorant (regarder le site de Danone), les marques conquièrent une nouvelle posture. Et ce n’est donc pas un hasard si Compass spécialiste de la restauration collective en milieux scolaires, hospitaliers et professionnels affirme d’emblée que ses enseignes (Eurest, Medirest, Mediance, Scolarest) agissent pour « mieux vivre ensemble » !

Soap Opera en mode «  Toi+moi »
Au fond, n’est-ce pas la suite logique du « Soap Opera » ?
Le « Soap Opera » est en effet à l’origine :
« un programme destiné à divertir les ménagères tout en diffusant de nombreux messages publicitaires consacrés aux produits ménagers ».
Ces techniques de narration qui associent intérêts économiques et instants de distraction ont débordé de leurs cadres. Aujourd’hui, elles confèrent aux marques la capacité de créer de nouvelles concordes.
Puisqu’en plus le consommateur peut avoir son mot à dire sur le produit qu’il souhaite acheter, il n’est plus question d’être dans une relation marchande traditionnelle. Désormais, bénévolement, le client auto-génère un buzz autour de sa marque préférée avec d’autres aficionados. Comme le clame justement Oldelaf dans sa chanson « Kleenex » chaque jour il y a « D’identiques emblèmes Qui flotte sur la masse». Faut-il que ces emblèmes se transforment en propulseurs de « vivre ensemble » ?
Amis consommateurs, n’oubliez pas…
Vous êtes aussi des citoyens !